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La passion n'a pas de frontières! En voilà une bonne illustration avec un magnifique reportage heritage et passion effectuée par le Président du club Audi Heritage Belgique, superbe!
      
Rallye de la Semois 5-6.09.2015!
Dimanche 06 septembre… ou plutôt déjà lundi car il est 1hrs du matin. Je suis rompu… encore dans ma salopette de rallye, avec la cagoule autour du cou, je suis assis sur une pile de pneus, une cannette à la main et au beau milieu de mon hangar…
         
Pour la première fois en trois jours, c’est le silence total. Autour de moi gît mille outils. La camionnette de mon ami André G. est derrière moi, enfin vide des multiples objets nécessaires pour l’assistance, toutes portes ouvertes et au milieu de tout ce tableau, trône ma fameuse Quattro, celle que j’appelle la « Dakar » puisqu’elle est la seule survivante de toutes les Audi qui ont tenté cette épreuve.
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Au bout de 12 ans de restauration, elle qui resplendissait, début de cette année, à l’Autoworld de Bruxelles, la voilà maintenant toute recouverte de stigmates boueux, parfois aux couleurs verdoyantes des herbes frôlées de trop près. Elle aussi est, désormais, au calme. On est plus que nous deux…
     
Quel week-end, on a vécu ! Mais je le voulais tant, je souhaitais tant qu’elle revive ce qu’elle fit jadis et voilà, c’est fait et de belle manière ! On termine 5 ème au général du classement historique et on est 2ème de notre catégorie (en PH 18). En définitive, c’est le plus beau résultat de toute sa carrière. Il est vrai qu’elle roulait dans des manches du championnat mondial, et qu’ici il s’agissait d’un provincial, mais tout de même !
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Assis devant l’auto, je repense à tout le travail accompli. Je me revois, 12 ans en arrière, quand je l’ai achetée grâce à Joël, un ami du club Audi Héritage. J’avais quelques cheveux de plus. D’ailleurs, les amis qui m’accompagnaient à la « Semois » ont eu du mal à me reconnaître sur l’album photo que j’avais pris avec moi pour animer la soirée « barbecue ». Quelle mouche m’a piqué de vouloir faire à nouveau mordre la poussière à cette Quattro qui en a déjà tant dégustée…
        
En fait, je ne l’imaginais pas autrement. Qu’elle soit une pièce de collection, certes, mais qu’elle soit « vivante » était ma motivation. J’avais peur, fort peur pour elle mais une fois dans le rythme et la décision prise, seul l’objectif comptait.
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Vendredi, avec Maxime, on a étudié le parcours du mieux qu’on pouvait. On ne pensait qu’au parcours. On réfléchissait aussi à toute la préparation du matériel, au timing auquel il fallait se tenir pour nous installer, nous et l’assistance. Le soir, occupant confortablement nos chalets provisoires, on improvisait un joli souper entouré de nos familles. Samedi fut aussi très méthodique pour effectuer le maximum de reconnaissances. Je m’y étais employé avec le Coupé Quattro. Devenu « mulet », j’espérais de lui qu’il me donne quelques sensations valables et représentatives de la « Dakar » que je connais en définitive fort peu.
               
Depuis début d’année, la garce m’a donné du fil à retordre pour sa finition et ses réglages. J’ai donc dû littéralement zapper un entraînement sérieux. On part donc un peu démuni sur ce plan et qu’il faut donc combler par une parfaite connaissance du terrain.
          
Au final, on a fait quelques 470 km (soit 2 fois la distance rallye) de recos avec le Coupé. Ce fut donc très prenant et amusant. Plus on entrait dans l’imaginaire de la façon de faire et plus je me détachais du risque qu’on allait prendre.
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Je fus aussi fortement aidé par Eric, papa de Maxime, et Bernard son ami car ce sont eux qui ont présenté la « Dakar » au contrôle technique. Ils m’ont ainsi libéré tout le samedi pour effectuer valablement les recos.
      
L’instant du contrôle technique fut cependant intéressant et saisissant car il m’a été rapporté que le monde qui entoure le « rallye de la Semois » réalisait alors la présence de notre perle rare.
         
Samedi soir, tout était en place : l’auto avait son droit de rouler et Maxime et moi, nous sentions prêt. On réalisait cependant que la tension montait et même au travers du regard de nos proches…
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Dimanche matin, cette fois, on y est… le déjeuner est bref et léger. On se prépare et on se rend à l’assistance pour achever notre installation. Les amis, Dré, Bernard, Francis, Claude, etc… sont aussi là pour mettre la main à la pâte.
     
Je promets alors et à tout qui peut l’entendre que je ne ferai pas le fou et ne penserai qu’à ramener ma belle à bon port. En mon fort intérieur, je ne pense qu’à une chose : « pourvu que la Quattro arrive au bout ». C’est bien là mon seul enjeu.
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On est au départ. Vandewauwer, six fois titré Champion de Belgique, est déjà parti. Legendre, le vainqueur de l’an dernier, l’est tout autant… Nous sommes sous la bannière du départ et le speaker explique au public l’origine de notre auto. C’est amusant de s’entendre renvoyer sa propre histoire, mais restons concentrés et c’est parti pour la première liaison.
       
Nous voilà au départ de la spéciale de « Opont ». Je suis concentré, les doigts du starter s’égrainent et pour une raison que je ne m’explique pas, et malgré toutes mes promesses, je me lance à fond dans la course. L’auto fonctionne du tonnerre ; sa puissance nous semble phénoménale. Son freinage semble cependant plus difficilement domptable mais c’est peut-être la vitesse aussi qui change la donne. Quoiqu’il en soit, je donne le maximum de ce que je peux faire avec mes maigres connaissances de la bête mais avec la parfaite connaissance du terrain.
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Au terme de la spéciale, je suis ravi. Maxime, lui, exulte, on a pulvérisé notre temps de l’an dernier de 20 secondes (avec la Manta de Dom). J’ignore totalement où j’en suis mais je viens de prendre mon pied et qu’importe le résultat… Il n’empêche que dans ma tête, j’espère tout de même être bien classé. On ne se refait pas! Ce que j’ignore, et ça valait certainement mieux, nous venions de faire le deuxième temps scratch, à 7 secondes de Vandewauwer ! (On a alors 3 secondes d’avance sur Legendre).
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Nous voilà à la spéciale de « Gros-Fays ». Je la crains juste pour son épingle et la Quattro est connue pour être une mauvaise « vireuse »… Une nouvelle fois, j’oublie mes bonnes résolutions et on attaque. Quelle auto mes amis, et en définitive, elle est facile à faire pivoter. En fait, je réalise que son défaut de trop de freins à l’arrière, devient un avantage pour la placer en virage court. Bref, l’épingle redoutée fut un détail…
        
J’aurais pu aussi craindre « Gros-Fays » pour sa côte menant à Oisy. Là, un sommet cache un léger virage gauche. Nos notes prévoyaient juste de soulager l’accélérateur, ce que je fis mais à la vitesse où on allait, la Quattro a « jumpé » et l’auto s’est posée légèrement de travers. C’était spectaculaire !
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Sur la liaison qui nous mène à la première assistance, je suis donc toute ouïe pour mon auto. Ca clicote dans tous les coins mais c’est peut-être normal, l’auto étant tellement rigide !
      
A l’assistance, on fait tous les gestes d’usage et je vérifie moi-même tous les boulons principaux des trains de roues. Sous le capot, on constate que la boîte à air s’est quelque peu défaite et qu’une durite de la direction assistée fuit légèrement. Tout est refait à temps…
        
Eric assume donc l’assistance principale ; Dré du HRW (et oui, en personne), me fait les carreaux et Bernard du club Audi Héritage, met également la main à la pâte. Pendant ce temps, Maxime cherche, sur son Smart phone, les résultats et, avec grande fierté, il m’annonce qu’on est troisième au général ! Je n’en reviens pas. J’en ai les yeux écarquillés. On est en train de vivre certes notre rêve mais plus encore !
       
On se donne le mot d’ordre de ne pas s’en prendre la tête mais j’avoue que c’est compliqué à faire.
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On arrive au départ de « Bellefontaine ». L’attente est longue mais la spéciale, réputée pour être très dangereuse, l’est encore d’avantage avec la pluie qui a rendu la piste extrêmement grasse. On déplore donc déjà 7 sorties dont une grave. La spéciale est neutralisée !
            
Ca me laisse assez égoïstement indifférent et je regrette surtout de n’avoir pu m’exprimer sur la plus longue spéciale du rallye. Bref, je reste concentré. On part donc en direction de « Gedinne » pour la dernière spéciale de la première boucle. Dans ma tête, je reste lucide même si la conscience de notre belle place semble être un rêve dans un rêve.
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Les 5 secondes s’égrainent et c’est parti pour la spéciale de « Gedinne ». La montée dans les bois est magistrale. Entre rochers et arbres, le paysage est invariable et les repères pour poser ses freinages sont rares. Aussi avec maxime, on s’est donné des codes pour que j’arrive, au-delà de la note, à visualiser les virages. C’est ainsi que certaines zones sont baptisées : le « virage Eric » (virage où le papa de Max risqua le fossé), le freinage de «grand if » (un virage qui se resserre pour devenir très étroit entre deux murets de pont), etc… Le truc est assez génial et la route se dessine littéralement à l’avant de mon regard… tout comme Philippe Ménage, le conseille à chacun de ses cours.
      
La montée est fulgurante puis vient la descente sur le village et une difficile épingle artificielle, faite de ballot. Les freinages de la Dakar sont vraiment difficiles mais, là, ils me servent car il en faut peu pour bien placer l’auto avant le virage même.
          
Nous voilà reparti vers les campagnes avec de légers virages. Je suis à fond et j’ai loupé un léger frein que Max m’annonçait. Dans ma hargne, je réalisais peu que ma vitesse est énorme dans ces étroits lacets. Devant poser un freinage en force sur une route peu lisse, la Dakar fait déjà de gros écarts ; je vois déjà les gens s’écarter. Je tente de doser les freins et de garder l’auto sur la route mais elle virevolte de gauche à droite…
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Prendre le virage sera impossible, je balance l’auto et la met en traîneau du côté de ma portière. Le champ voisin est heureusement tout plat et la foule a déjà reculé que je suis déjà outre de la rubalise. J’entame alors un demi tour sur place et reprend la route. J’enrage, j’ai perdu pas mal de temps et dans mon insouciance, je repars de plus belle. Enfin, je raccroche le fusible et je demande à Max : « y’avait des piquets ? ». « Y’en avait qu’un et on a tourné autour » me répondit-il. On rigole dans le micro et je fonce pour limiter la perte de temps.
         
Je crois que ce moment sera ma leçon du jour. En définitive, j’ai une auto que je ne connais que trop peu que pour tenter de connaître tout son potentiel. Nous sommes relégués à la 5ème place et aller rechercher les autres sera désormais peu probable.
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De retour à l’assistance, on revérifie tout et de plus belle. Ma conscience revient et je respire car la belle n’a aucun souvenir de cette virée campagnarde.
        
La seconde boucle démarre donc et nous revoilà à « Opont », la spéciale qui fut notre plus beau fait d’arme ! Bien qu’un peu moins inconscient, il n’empêche que j’attaque quand même. Le passage au village sera meilleur dans sa montée, mais le coup de frein à main donné dans la descente, sera un peu trop vif et, face à un mur, je dus enclencher la marche arrière. Je perds encore là de précieuses secondes. A partir de là, je rageais tellement sur moi que j’ai mis le paquet et je crois que pour la fin de cette spéciale, on a littéralement volé. Je suis persuadé que c’est là qu’on est les plus rapides, d’autant que malgré la petite incartade, on fera presque le même temps qu’à la première boucle. Je commence donc à comprendre l’auto et à savoir user de son potentiel.
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Dans « Gros-Fays », je tempère au jump de « Oisy », par contre je coupe d’avantage les cordes qui peuvent l’être. Je me souviens de deux pleines cordes d’anthologie. Au final, et malgré l’impression d’avoir assuré, je gagne 3 secondes sur le premier passage.
            
On redescend sur Bièvre pour une dernière assistance avec le sourire aux lèvres. Il ne reste plus que deux spéciales et on sent que c’est atteignable. On revérifie tout une dernière fois et tout semble pour le mieux.Nous voilà au départ de « Bellefontaine ». Enfin, on va l’aborder mais dans ma tête, je m’astreinds à rester prudent dans le fond de la carrière où tant d’autres ont « tapé » dans le rail de sécurité. On passe l’endroit sans fioritures et je relance l’auto pour me délecter dans la montée mais soudainement, je perds toute puissance moteur. Ah non pas ça !!! Je soulage la pédale de droite et je sens que le moteur veut à nouveau répondre. C’est reparti mais tous mes sens sont concentrés sur l’écoute de mon moteur. Je tente alors de dédoubler le cerveau pour à la fois être à l’écoute des notes de Max et de mon auto. Je fais donc la spéciale avec la crainte de ne pouvoir « arriver » d’autant que la belle montre de nouveaux signes de faiblesse…
          
Ouf, on voit la ligne d’arrivée et on limite les dégâts car on ne concède qu’un peu plus d’une seconde au km sur Pirot/Bodet qui nous devance.
        
Allez, ma petite, il ne reste plus qu’une spéciale à tenir !!!
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Sur ma liaison, je tente de garder un bon rythme pour me donner le temps de regarder à l’auto. Je passe alors sur la pompe essence n°2 au cas où se serait la n°1 qui serait défaillante. La liaison se passe bien,… c’est de bon augure.
         
Avant le départ de la dernière étape, je revérifie tout mais rien d’étrange ne m’apparaît.
       
Nous voilà donc au départ de la « der des ders » avec les tripes bien nouées. J’entame la montée de « Gedinne » plein pot et comme si de rien n’était. L’auto tient !
             
La spéciale ne fait que 9 km, il faut qu’elle tienne mais au 7ème km, elle recommence à défaillir. Je soulage,… elle repart,… elle recommence, alors je soulage à nouveau et… elle reprend. Maxime m’annonce le dernier virage et me crie « 150 m et c’est l’arrivéeeeee » !!! Soudain, le moteur fait mine de s’arrêter… Je soulage et à 20 mètres de l’arrivée, la Quattro reprend et on passe… oui on passe !!!
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Quelle joie à ce moment, on a crié à s’en rendre sourd !!! En outre, on limite encore les dégâts car on n’a concédé de nouveau qu’une seconde sur celui qui nous devance et seulement 29 secondes sur Vandewauwer qui fait le scratch. Incroyable !
            
Le retour au centre rallye se fit au ralenti pour refroidir le turbo qui me semble être la cause du trouble. Mais qu’importe, on y est arrivé !!! Nous voilà à l’assistance et, là, tous nos proches nous attendent. Quelle émotion… il y en eu de la buée dans les lunettes !
          
C’est là qu’on reconnaît les gens qui nous aiment. C’est vraiment génial…
       
Bien vite, il faut tout de même rejoindre le parc fermé pour valider notre rallye. L’AUDI est garée parmi toutes les rescapées. Près de la moitié du plateau des historiques a disparu et plus du tiers chez les modernes. Le rallye de la Semois fut rude !
              
La fin d’un rallye, c’est aussi l’instant sympa avec les autres pilotes. Vandewauwer fut le premier à me féliciter pour avoir risqué ma belle. Presque tous les autres ont suivis. C’était émouvant d’autant que bien d’entre eux se sont aussi intéressés à l‘histoire peu banale de mon auto. Je retiens la parole de Jean Baptiste Bodet (copilote de l’équipage qui termina juste devant nous), qui me dit : « mais ton auto, c’est « Choupette », la coccinelle celle qui ne meurt jamais ! » et d’un geste précis, il me cache le premier chiffre de mon numéro de portière pour ne laisser apparaître que le « 53 » restant… tout comme « Choupette ».
          
Décidément, mon auto est un symbole!
Pour rappel, on garde donc notre belle 5ème place au général et 2ème de classe.
            
Aujourd’hui, j’ai vraiment la sensation d’avoir accompli ma mission !
         
Jacques Fiévez, pour la mémoire de mes enfants.
             
SOURCES
     
 Infos & Photos :
 Jacques Fiévez
 Président du club Audi Héritage Belgique
         
       
A PROPOS DE L'AUTEUR
Costa PJ
Author: Costa PJ
Membre Fondateur de l'Audi Sport Club Suisse en 2002, ce grand passionné de la marque aux Anneaux, vous fait partager son enthousiasme et ses informations trouvées dans les médias.