Un personnage que j'ai découvert ce weekend :
Jean-Claude Rudaz, le pilote qui a troqué son volant de F1 pour les commandes d’un Boeing
Le Sédunois a brillé sur les circuits et les routes avant de faire carrière dans les airs. Quelle trajectoire!
Jean-Claude Rudaz adore désormais retaper de vieilles voitures dans son atelier, à Bramois. Une vie casanière, enfin.
Sacha Bittel
Trois vies. Au moins. Il y a l’œnologue, le diplômé qui aurait dû reprendre le commerce de vin familial. Il y a le pilote auto, trop méconnu, probablement. Et il y a le pilote de ligne, un métier qui a fait sa richesse. Non pas au sens vénal. Au niveau intellectuel, plutôt. Parce que si Jean-Claude Rudaz, bientôt 77 ans, s’est très vite éloigné de sa formation initiale et qu’il s’est pratiquement ruiné, un volant entre les mains, c’est aux commandes d’avions privés ou de ligne qu’il s’est réellement épanoui. Qu’il a fait sa – vraie – vie, finalement.
Retour sur le plancher des vaches. Du bitume. Jean-Claude Rudaz a 22 ans lorsqu’il côtoie le milieu de la F1. Quelques semaines plus tôt, il s’est acheté une Cooper d’occasion. Quelque 37 000 francs qu’il a réunis en grattant les fonds de tiroir. «J’ai obtenu de mon père une avance d’hoirie sur l’immeuble et des vignes que ma famille possédait en ville de Sion», explique-t-il.
Le GP de Monza aurait dû lancer ma carrière. Il a signifié la fin de l’aventure.
JEAN-CLAUDE RUDAZ, EX-PILOTE
Ce 6 septembre 1964, à Monza, le Sédunois s’apprête donc à devenir un pilote de F1. A part entière. C’est le début de l’aventure. «Le début de la fin», sourit-il. C’est vrai que ce GP d’Italie fera de lui le Suisse à la carrière de F1 la plus courte de l’histoire. «Je m’étais qualifié en 20e position mais j’avais cassé mon moteur dans le dernier tour. J’aurais pu ne rien dire, me présenter sur la ligne, rouler 100 mètres et toucher la prime. J’avais au contraire tenté d’approcher Jack Brabham, qui possédait un moteur de réserve, pour qu’il me le loue.» Malheureusement, l’Australien n’avait pas trop apprécié que ce petit Suisse, quelques jours plus tôt, lui mette une seconde au kilomètre dans la vue, entre Sierre et Montana. «Il n’avait pas oublié. Pour moi, la F1 s’est arrêtée là…»
Au secours de Jo Siffert
Au début des années 1960, au volant de l’ancienne Lotus de Jo Siffert, puis d’une Cooper, Jean-Claude Rudaz est quasi intouchable dans les courses de côte. Elles font sa réputation, lui ouvrent les portes des circuits. Il dispute un premier Grand Prix de F1, hors championnat, à Syracuse. «A quelques tours de la fin, un concurrent m’a arraché une roue en me dépassant. Ça s’est terminé là. La veille, Jo Siffert avait eu un grave accident. J’étais là avec quelques pilotes pour retourner sa voiture et lui sauver la vie.»
Jean-Claude Rudaz avait le potentiel pour être l’égal de Jo Siffert et Clay Regazzoni.
JEAN-MARIE WYDER, JOURNALISTE DU SPORT AUTOMOBILE
Le Sédunois disputera encore deux courses hors championnat avant de se rendre à Monza, point final d’une carrière pourtant prometteuse. «Entre deux, j’ai disputé la course de côte Sierre-Montana comptant pour le championnat d’Europe de la montagne. Là où j’ai battu Jack Brabham…»
Un crime de lèse-majesté qui lui coûtera le GP de Monza et, peut-être aussi, une carrière naissante. «J’ai rencontré Jean-Claude Rudaz en 1964, lors de Sierre-Montana. J’avais 13 ans», raconte Jean-Marie Wyder, journaliste spécialisé. «Une année plus tard, sa carrière était terminée. Les mêmes gens qui lui tapaient sur l’épaule quand il était pilote changeaient de trottoir parce qu’il était sans le sou, presque infréquentable. Avec le recul, je suis convaincu qu’il avait le potentiel pour faire la même carrière que Jo Siffert et Clay Regazzoni.»
Au Congo, sans le sou mais avec l’envie de s’en sortir
Jean-Claude Rudaz n’a donc plus le moindre sou. «J’étais prêt à faire n’importe quoi mais je voulais m’en sortir.» Il troque alors son volant pour les commandes d’un avion. «Je suis parti pour le Congo sur un coup de tête. Et les mains vides. J’ai frappé à la porte de l’ambassade. Là, on m’a présenté un Valaisan de Venthône, Albert Berclaz. Il m’a déniché un boulot de mécanicien.» Son patron est à ce point content de son employé européen qu’il lui verse une prime de 5000 francs. Jean-Claude Rudaz rappelle alors sa femme, termine sa licence de pilote qu’il avait entamée aux côtés d’Hermann Geiger. «Un jour, alors que je n’avais que 150 heures de vol, un entrepreneur belge me propose de piloter son avion privé.»
Un peu plus tard, il est engagé par Air Congo pour ses avions de ligne. Vingt-cinq candidats pour quatre places. «Le responsable m’a dit: «Vous ne connaissez rien des grands transports mais vous avez du potentiel.»
Une nouvelle aventure professionnelle s’ouvre à lui. En 1972, il rentre en Valais à l’appel de Bruno Bagnoud. A ses côtés, il crée Transvalair, une compagnie valaisanne. «Paradoxalement, ma fierté, c’est d’y avoir mis un terme. J’ai stoppé son exploitation avant qu’elle perde de l’argent. Je n’ai pas laissé un centime de dette.»
Il a encore présidé le FC Sion
Un jour qu’il pilotait à Vienne, pour une compagnie charter, il croise la route de Niki Lauda et échange quelques mots. «Nous avons discuté cinq minutes, guère plus. Mais j’ai été frappé par sa simplicité.»
Il quitte TEA et s’engage pour Asian Airlines qui cherchait des pilotes pour ses Boeing 737. A l’approche de la soixantaine, un âge où les grandes lignes aux Etats-Unis sont bannies, il retrouve un jet privé, un Falcone. «J’ai fini comme instructeur simulateur. Une société a racheté mon contrat chez Asian Airlines et m’a offert une place à vie. J’y suis resté quinze ans, de quoi améliorer ma situation financière.»
Jean-Claude Rudaz a posé les commandes, définitivement, à l’âge de 73 ans. Au compteur, 25 300 heures de vol à travers les continents.
Entre deux, il a également été président du FC Sion entre 1978 et 1981. Après l’intérim des 7 Sages. «C’est René-Pierre Quentin qui était venu me chercher. En 1980, nous avons gagné la Coupe de Suisse avec deux étrangers dans l’effectif. Notre sponsor principal, c’était André Luisier. J’ai fini par lui remettre le club.»
Aujourd’hui, à 77 ans, le citoyen de Bramois passe l’essentiel de ses journées à bricoler et retaper de vieilles voitures. «J’en revends quelques-unes, pour libérer de la place. Sinon, je le fais pour moi, en autodidacte.» Jean-Claude Rudaz mène enfin une vie tranquille, quasi casanière.
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