Une lecture du nouvelliste :
Un frein allemand au diesel
Est-il vraisemblable que 13 millions de propriétaires d’une voiture diesel soient très prochainement interdits de pénétrer dans le centre des grandes villes allemandes? Ce scénario d’horreur pour tout constructeur automobile classique a pourtant commencé à prendre forme. Le scandale Volkswagen, le réchauffement climatique et, surtout, les problèmes croissants de santé liés à la pollution de l’air dans les villes...
Est-il vraisemblable que 13 millions de propriétaires d’une voiture diesel soient très prochainement interdits de pénétrer dans le centre des grandes villes allemandes? Ce scénario d’horreur pour tout constructeur automobile classique a pourtant commencé à prendre forme. Le scandale Volkswagen, le réchauffement climatique et, surtout, les problèmes croissants de santé liés à la pollution de l’air dans les villes poussent de plus en plus de grandes villes allemandes à réagir.
«Depuis des années, le dioxyde d’azote (réd: NO2) menace notre santé. Le responsable de tout cela, ce sont les vieux moteurs diesels», expliquait, en début d’année, la présidente de l’Agence fédérale pour l’environnement (UBA), Maria Krautzberger, à l’occasion de la présentation du rapport 2016 sur la qualité de l’air en Allemagne. Celui-ci atteste d’un dépassement du taux-plafond conseillé par l’Organisation mondiale de la santé (40 microgrammes/mètre cube en moyenne annuelle) pour 57% des stations de mesures de l’air de l’UBA. Or, une trop forte concentration de NO2 accroît le risque de maladies respiratoires aiguës, de cancers ainsi que de maladies cardiovasculaires. La Commission européenne estime pour sa part que «400000 citoyens meurent prématurément chaque année dans l’Union européenne à cause de la mauvaise qualité de l’air».
Jusqu’à 2016, le seul organisme allemand vraiment actif contre cette pollution était l’ONG Deutsche Umwelt Hilfe (DUH). Cet acteur déterminant du scandale Volkswagen s’est fait une spécialité des mesures indépendantes, et reconnues, à l’aide desquelles il attaque les fautifs. En septembre dernier, le Tribunal de deuxième instance de Düsseldorf lui a ainsi donné raison contre le Land de Rhénanie du nord – Westphalie et la ville de Düsseldorf, à qui les juges ont enjoint de prendre rapidement des mesures. «C’est le premier jugement de la sorte en Allemagne. Il ouvre la voie à une interdiction du diesel et va faire jurisprudence», commentait alors l’avocat de DUH, Remo Klinger.
Hambourg ouvre le bal
Problèmes croissants de santé publique, pressions de Bruxelles et menaces juridiques: ce cocktail semble avoir produit son effet. Début mai 2017, la mairie de Hambourg a ouvert le bal en annonçant l’interdiction faite aux voitures diesels sous la norme Euro 6 d’emprunter deux artères très utilisées du centre-ville. La ville de Stuttgart lui a immédiatement emboîté le pas en annonçant, 15 jours plus tard, que le centre-ville serait interdit aux véhicules diesels non-Euro 6 à dater du 1er janvier 2018. Il est vrai que la capitale de l’automobile allemande (Porsche, Daimler, Bosch) est placée dans une cuvette et devient irrespirable quand le vent tombe. Suite à cela, Munich réfléchit à faire de même. La ville et la région vont procéder à des mesures pour évaluer l’étendue des interdictions. Mais ces dernières ne font plus de doute.
Le passage à l’action de ces trois villes a provoqué l’intérêt de Berlin, Cologne ou Francfort et risque de déclencher un effet domino. D’autant que, comme le montre un sondage du magazine «Stern», 59% des personnes interrogées approuvent l’idée. Pour l’industrie automobile, qui a amorcé sa transition vers la propulsion électrique, mais gagne encore sa vie avec les moteurs atmosphériques, les conséquences pourraient être brutales. «C’est une mauvaise décision pour l’économie, le commerce et les banlieusards», a déclaré Dieter Zetsche, président de Daimler, qui craint une nouvelle chute des ventes de diesel (40% des ventes en Allemagne). Pour sa part, la Confédération allemande des artisans estime que ces interdictions sont «mortelles» pour ses membres. Le secrétaire d’Etat aux Transports, Norbert Barthle, a aussi accusé le DUH de mener «une campagne de diffamation contre le diesel». Ce à quoi le DUH a répondu qu’il n’était pas responsable des manipulations des constructeurs sur les émissions de CO2 et de NO2 au-delà des normes de leurs voitures.
Système de vignettes
Enfin, le chef de l’équipementier automobile Conti, Elmar Degenhart, estime «qu’il y a un fossé entre ce que le monde politique souhaite et la réalité industrielle», sous-entendant que si les interdictions sont légitimes, les industriels ne tablent pas sur le tout-électrique avant 2050, alors que le parti écologiste allemand l’exige déjà pour 2030.
Pour l’instant, l’entrée en vigueur des interdictions est suspendue à la décision du Tribunal fédéral administratif. Celui-ci doit préciser dans les mois qui viennent si les villes allemandes ont le droit d’interdire la circulation de modèles précis de voitures. Mais un refus ne ferait que ralentir le calendrier, puisqu’à défaut d’interdictions totales, de nombreuses municipalités ont déjà introduit des systèmes de vignettes environnementales.
Face à cela, la Fédération de l’automobile allemande a présenté, le 30 mai dernier, la Plateforme de la mobilité urbaine, dont les membres actuels sont les constructeurs Audi, BMW, Daimler, Porsche et Volkswagen, ainsi que les équipementiers Bosch, Continental et Schaeffler. L’objectif de cette plateforme est d’élaborer, en consensus avec les municipalités, des solutions globales pour un transport urbain plus écologique. Parions que cette plateforme fera tout son possible pour proposer des solutions supportables pour l’industrie.
Que font les villes suisses?
Les grandes capitales de la planète ont lancé un cri d’alarme à l’occasion de la rencontre du Cities 40, un réseau qui fédère les 91 plus grandes villes du monde et qui s’est réuni, fin 2016, à Mexico. Evoquant trois millions de décès par an liés à la pollution urbaine et au diesel, le Cities 40 a appelé les villes à devenir les actrices de leur développement: «Nous allons respecter l’accord de Paris par des actions concrètes dans les villes, ainsi qu’avec les citoyens et le secteur privé», a affirmé la maire de Paris et présidente actuelle du C40, Anne Hidalgo.
Les actions à mener concernent majoritairement l’amélioration des infrastructures, mais aussi des limitations de circulation pour les véhicules diesel. Les maires de Paris, Madrid, Athènes et Mexico se sont même engagés à supprimer le diesel sur leurs routes d’ici à 2025.
En ce qui concerne la Confédération, l’Union des villes suisses précise qu’il n’existe encore aucun système communal de vignette environnementale et que seules quelques communes ont agi en imposant plus lourdement les véhicules très polluants. Les communes suisses n’ont toujours pas le pouvoir de légiférer sur un domaine qui est du ressort cantonal et fédéral mais, note l’Union des villes suisses, un débat allant dans le sens de la mise en place d’un cadre légal d’action existe. La conseillère nationale bernoise Evi Allemann (PS) a d’ailleurs déposé une motion favorable à la création de zones urbaines protégées.
RAPPEL DES FAITS
Les grandes villes allemandes se préparent à interdire le diesel. Hambourg, Stuttgart et Munich sont déjà sur les rangs. D’autres villes comme Berlin ou Cologne y pensent. L’industrie automobile aimerait ralentir le mouvement.
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